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Le gros son de nos jours

D septembre 1998     H 04:05     A Judge Fredd    


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La définition du gros son est sujette à variation d’une époque à l’autre. Il suffit de réécouter pas mal de disques des années 80 pour s’en rendre compte. C’est qu’au fur et à mesure que le rock évolue on s’accoutume à des sons de plus en plus énormes.

Et c’est ainsi que Metallica qui, il y a dix ans faisait figure d’épouvantail, de Caterpillar sonore à la limite du supportable pour bien des fans d’AC/DC (groupe qui lui-même en en son temps faisait figure etc.) paraît bien raisonnable face aux grindcoreux et autres énervés qui sévissent aujourd’hui. La perception du son et l’appellation contrôlée "Gros Son" seront donc affaire d’habitude et fonction du dernier ayant réussi à nous mettre une grosse claque de ce point de vue.

Mais le gros son est aussi affaire de technologie. D’abord, il est évident qu’on sera plus à l’aise pour en produire avec un 32 pistes numérique bardé de compresseurs à lampes, qu’en direct avec un Rockman dans un quatre pistes analogique. Mais plus que cela, on peut considérer qu’une technologie influe aussi sur la couleur et la nature même de ce que nous appelons le gros son, comme l’ont fait tour à tour les lampes, les transistors, le CD et l’informatisation avec le sampling dont nous reparlerons dans la prochaine édition.

Avec la généralisation du sampling et du travail sur ordinateur, le succès de groupes comme White Zombie ou de la galaxie Ministry, plus l’influence certaine de la techno, on s’est habitué à des sons saturés plus agressifs plus "industriels", plus froids. De plus, la saturation de la basse n’est plus taboue et bien souvent le gros son que l’on entend est un habile mix de celui de la guitare et de la basse. Tout cela implique qu’une bonne partie de ce son sur disque vient de la production et du sampling des parties de guitare mais rien ne nous empêche d’essayer de l’obtenir avec des moyens plus modestes.

Ministry
Ministry

Tosma

Si l’on regarde un peu le matériel utilisé par ces groupes, on peut en tirer quelques constantes :

- pour ce type de son le double est roi : on joue sur toutes sortes de guitares cheap, chères, japonaises, ricaines, crades ou étincelantes du moment qu’elles ont des doubles bobinages. On préférera ces derniers plutôt puissants et pas trop médiums. Chez Seymour Duncan on essaiera le Jeff Beck, le Distortion, l’Invader, le Full Shred ou le Screamin’ Demon. Chez Gibson l’idéal serait de dénicher un vieux Dirty Finger, mais on saura se satisfaire d’un Tony Iommy Signature, d’un 498T ou d’un 500T. Di Marzio propose le Super Distortion, le Steve’s Special, le Tone Zone ou le X2N. Bien sûr tout cela reste à affiner en fonction de la guitare (un micro ne sonne pas de la même façon suivant la guitare sur laquelle il est monté), de l’ampli (avec un ampli puissant et agressif un PAF peut sonner ultra heavy) et des doigts utilisés (sans commentaire) ; et puis vous trouverez peut-être votre bonheur avec d’autres marques réputées comme EMG, MC2, Van Zandt etc. Quant aux guitares, outre Gibson, dont tous les modèles sont mis à contribution, notamment les Explorer et les SG, les marques fétiches du moment semblent être ESP (Metallica, Deftones, Rammstein), Ibanez (J, Al Jourgensen), Jackson (Slayer, Anthrax, etc.) et PRS (Silverchair). Cela étant, ne jetez pas votre vieille copie japonaise des seventies, car comme le disait Dave Wyndorf (Monster Magnet) le mois dernier, elles sonnent mieux pour certains trucs que des guitares plus huppées.

- côté ampli, on se tournera d’abord vers des stacks et ce pour deux raisons : on a besoin de gros graves bien compressés et, parallèlement, d’aigus agressifs. On pourra donc se tourner vers Marshall (Jourgensen), vers Boogie (Metallica, Kim Thayil) notamment le Dual Rectifier dont le grain un poil acide convient bien à ce type de sons, ou bien encore vers Randall (J de White Zombie ou Dimebag de Pantera). Cela étant n’importe quel bon stack peut faire l’affaire, à condition qu’il allie compression, agressivité et puissance. S’il s’agit d’enregistrer ou de jouer en chambre, la palette s’élargit, notamment vers tous les ampli à "transistubes" dont l’égalisation est bien souvent prévue pour le "gros son moderne" à volume raisonnable. Marshall Valvestate, Peavey Transtube, Hughes & Kettner Attax, Roland etc. Le choix est vaste. Comme pour les guitares, les vieilles choses même un peu décrépites peuvent avoir leur utilité, n’hésitez donc pas à récupérer de vieux Champ, Orange et autres Mi (Musical Industrie) et à les pousser dans leur derniers retranchements à coup de fuzz. Essayez aussi les vieux amplis de basses à lampes (Hiwatt par ex.) : avec les effets idoines (fuzz ou disto bien aiguë) ils peuvent sonner monstrueux.

White Zombie
White Zombie

- Ceux-ci tiennent d’ailleurs une place importante dans l’élaboration de ce type de son. Une fuzz permettra d’atteindre les sons les plus cheap, les plus crades du type Al Jourgensen dans Psalm 69. Le choix est vaste mais retenons les Colorsound si vous avez des sous et la Danelectro Fab Tone si vous en avez moins. Si votre matériel ne sonne pas tout à fait assez agressif ou si votre son reste trop chaud, essayez la MT-2 Boss, qui pour un prix raisonnable transforme radicalement l’égalisation de votre son tout en vous offrant une réserve de grâouh considérable. Le delay s’impose, soit avec des temps longs (Ministry) soit en doublage pour gonfler le son (White Zombie) ; choisissez-le digital, pour les performances et pour la relative froideur prêtée à cette technologie. Le DD5 Boss est un bon choix (si vous en avez les moyens) car il permet des changements de temps de delay en temps réel et possède une couleur plus "métallique" que son prédécesseur le DD3. Agrémentez le tout d’une wah (de préférence multirange) que vous utiliserez surtout en combinaison avec le delay et/ou la fuzz pour créer des ambiances apocalyptiques en parcourant la course de la pédale lentement sur un riff bouclé par exemple. Le tremolo, surtout haché sera très prisé en cela qu’il imite fort bien une séquence de synthé et installera une ambiance par son côté rythmique. Ce qui précède n’est pas limitatif, Whammy et Octaver sont les bienvenus (Tom Morello) ainsi que tout ce que vous trouverez comme effets vintage. Seule obligation : essayez de les utiliser de manière non conventionnelle. Enfin, pour clore le paragraphe précédent, si vous basez votre son sur les effets, vous pouvez tout aussi bien sortir sur un Fender Supereverb avec un son de bison.

Open mind bitte !

Tout cela s’accompagne également d’un jeu différent. Tout comme le jeu des batteurs a évolué vers plus de sobriété et de rectitude avec l’arrivée des boîtes à rythme, l’avènement du sampling nous amène à jouer une musique basée plus sur la répétition, le côté mécanique et chamanique du groove, privilégiant plus les variations d’intensité que la virtuosité ou le développement harmonique, même si rien ne les interdit. En gros, il faut trouver des riffs qui se bouclent de telle sorte qu’on puisse les jouer à la chaîne et sans arrêt, la machine étant à la base de l’ère industrielle comme chacun sait.

Conclusion, malgré le côté tendance qui existera toujours, la conception actuelle du gros son ou du son de guitare en général est beaucoup plus ouverte qu’il y a une dizaine d’années puisqu’elle inclue tous les sons depuis Dick Dale jusqu’à Deftones en passant par Led Zep, Gary Glitter et MC5. Alors, ne laissons personne nous dicter les lois du "Beau Son" et amusons-nous !

 

Mots-Clefs

Numéro
G&C 199

 

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