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Les guitares samplées

D décembre 1998     H 19:51     A Judge Fredd    


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Travailler ses parties de guitares avec un sampler c’est tentant, d’autant que de plus en plus de groupes mettent à profit et avec brio ces "nouvelles" technologies. Pour en savoir plus sur le sujet, nous avons posé quelques questions à Laurent Brondel dont la liste des collaborations, occupations et projets divers (Five O’ Clock Shadow et Zen Boy sont ceux du moment) pourrait remplir le journal. En plus, l’individu joue fort bien et pratique le sampling depuis fort longtemps, deux fort bonnes raisons de lui donner fort la parole.

- Quand on sample une guitare, comment avoir le résultat le plus proche possible du son d’origine ?

La première chose, c’est la prise de son : cela n’a rien à voir avec le sampler proprement dit. Il faut bien choisir le matériel utilisé. Pour des sons saturés assez denses, on préférera des micros de type Shure SM57 qui ont une faible bande passante. Pour des sons clairs, ou crunch, on utilisera plutôt un statique, un Neuman ou un micro à large bande passante, ou bien encore un cardioïde. Evidemment, il faut trouver la bonne positon de micro, on peut faire des essais sur DAT par ex.

Geordie Walker
Geordie Walker - Killing Joke

Une fois cette étape franchie, on a plusieurs solutions : on peut avant d’attaquer le sampler passer par un compresseur (en insert sur une tranche de la table par ex.) pour éviter les crêtes et profiter de toute la dynamique qu’on peut avoir avec un système digital (de -96 dB à 0 dB), pour essayer d’enregistrer le son en s’approchant au plus près de O dB. Ensuite, soit on sait exactement ce que l’on va avoir à jouer, et on sample directement tout en jouant, soit on enregistre les guitares sur un DAT et on sample les parties qui conviennent le mieux. Là encore, deux choix : soit on sample toute une partie (couplet refrain etc.) et on va se retrouver avec des samples très longs qui prendront beaucoup de temps à éditer sur le sampler, mais qui permettront de garder le côté naturel du jeu, soit on découpe en parties d’une ou deux mesures, voire d’une demi-mesure ce qui permet de modifier plus facilement la structure du morceau ou de la partie de guitare en question. Bien entendu, cela sonne moins naturel, d’un point de vue strictement guitaristique.

UNKLE
UNKLE

- Et du point de vue du son ?

Il faut savoir que les samplers disponibles sur le marché actuellement sont d’une bien meilleure qualité que ce qui existait, il y a ne serait-ce que cinq six ans, surtout au niveau de leurs convertisseurs d’entrée (celui qui convertit le signal analogique entrant en signal numérique) et de sortie (celui qui convertit le signal numérique du sampler en un signal analogique). Les anciens samplers avaient tendance à colorer le son à cause de la moins bonne qualité de leurs convertisseurs. De plus, le format de compression numérique a évolué de 8bits à 20, voire 24bits sur certaines machines, ce qui change considérablement le timbre et la fidélité (et c’est pas fini...). Deuxième chose, il faut sampler à une fréquence d’échantillonnage deux fois plus haute que le son d’origine. Les sons de guitare électrique allant rarement au -dessus de 10 kHz, l’idéal est de les sampler aux alentours de 20 000 Hz. Cela permet à la fois d’économiser de la mémoire sur le sampler et d’éviter ces fréquences ultra-aiguës que nous ne percevons pas forcément mais que le sampler lui reconnaît et traite, ce qui risque de les faire ressortir.

Donc, pour ce qui est des sons un peu vintages, naturels, il vaut mieux sampler entre 18 et 24 kHz, cela dépendant du son. Si on a un gros son de type Marshall bien gras, bien lourd, 20 kHz suffisent. Maintenant pour un son crunch qui scintille un peu, on aura peut-être intérêt à sampler à 24 kHz voir à 30 kHz histoire de garder un peu l’air qu’il y a autour du son. Tout dépend aussi du micro qu’on utilise : si ce dernier ne transmet pas certaines fréquences, le sampler ne les inventera pas.

- Si au contraire on veut obtenir un rendu plus métallique, plus électronique ?

White Zombie
White Zombie

Attention, ce n’est pas le sampler qui va colorer le son. On peut déjà le colorer à la prise, par l’utilisation de certains effets. Maintenant, si on veut se servir des outils du sampler pour colorer le son, on aura intérêt à sampler à une fréquence beaucoup plus haute (48 kHz), parce que là, les filtres du sampler agiront sur des fréquences quasi imperceptibles et le son va se colorer différemment que si on avait samplé à 22 kHz.

- C’est ce que font des gens comme Rob Zombie ou Ministry ?

Pour commencer et d’après ce que je sais, "J" a d’origine un son un peu chimique, c’est ce qu’il recherche. Il est possible qu’à l’image de Ministry, certaines guitares soient samplées avec la vieille génération des samplers Akaï (le S1000 en particulier) qui colore le son à cause de ses convertisseurs. On utilise alors les défauts de la machine, le grain particulier qu’elle a. Cela étant, il y a un gros travail de studio derrière.

- Est-ce que tout est permis ?

Je crois que oui, et même qu’il est bon d’aller systématiquement chercher ce qui à priori ne semble "pas permis".

Tricky
Tricky

- Le fait de travailler ses propres guitares comme un matériau est-ce que ça change le point de vue qu’on a sur son propre jeu ?

Oui, de même que les boîtes ont influencé les batteurs, travailler avec des samples m’a fait prendre conscience de ce qu’il y avait de superflu dans mon jeu. Cela donne plus de rigueur et cela pousse à aller au plus simple pour ce qui concerne les parties de guitares "rythmiques" ; par contre pour tout ce qui est guitares ambiances ou thèmes, cela pousse à aller vers des trucs un peu plus fous, parce qu’on se rend compte de tout ce qu’on peut faire en découpant et charcutant les sons et on se lâche beaucoup plus. Donc à la fois plus de rigueur et plus de délire.

- Et se sampler sur scène, je sais que tu utilises un Jam Man ?

Oui plus pour "remplacer" un clavier, encore que ce ne soit pas la même chose, mais disons plus pour créer des ambiances particulières, des bruits...

- Pas pour créer des rythmiques ?

Non c’est assez délicat sur scène : si on crée une loop qui doit servir de base rythmique, il n’y a pas de deuxième chance, elle doit être jouée parfaitement, au poil près, ce qui n’est pas forcément évident en temps réel. Je l’utilise en mode delay, la longueur du delay variant de 4 à 16 mesures grosso modo (ex. de 8 à 32 secondes à 120 à la noire), avec un feedback assez long (ce qui permet de faire évoluer les boucles dans le temps).

4Hero
4Hero

- Y a-t-il une manip’ sur sampler qui t’aie particulièrement éclaté ou surpris ?

Pas de grande découverte, mais le fait de sampler des parties assez courtes (une mesure, un temps, un demi-temps) permet de recaler les choses rythmiquement avant ou après le temps. Cela donne un feeling rythmique particulier. Il arrive parfois que la mise en place juste ne soit pas la meilleure solution. Décaler le sample pour faire jouer l’instrument en avant ou en arrière est une manipulation simple mais qui produit un gros effet. En arrière par ex. une guitare sonne plus lourd.

- Matos minimum ?

Sampleur des dernières générations (au moins 16 à 32 méga de mémoires (une partie de guitare demande plus de mémoire qu’un son de caisse claire par ex. Une bonne petite table pour pouvoir gérer les sons séparément et un ordinateur pour driver le sampler. Pour le reste c’est du matos guitare et le(s) micro(s) dont on a déjà parlé.

- Disque à conseiller en matière de guitare samplées ?

Les derniers White Zombie, les Ministry, Pandémonium de Killing Joke, le dernier Goldie, UNKLE (DJ Shadow et James Lavelle), Underworld, Squarepusher, Young Gods, Tricky, As One (Kirk Degiorgio),Depeche Mode, Massive Attack, 4Hero, Monk & Canatella, Moby etc. Et j’en oublie plein !

A vos DAT... prêts ? Partez !

 

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