Jouons un peu : on dirait que vous vous appelleriez Judge F.... que vous écririez des bancs d’essai depuis un moment et que, tout d’un coup, vous tomberiez, chez Universal Guitars, sur une magnifique réplique de Flyin’ V en acajou, qui vous éclaterait par la qualité de sa fabrication et par une telle fidélité à l’originale que vous seriez carrément étonné qu’elle n’arbore pas le logo Gibson. Vous poseriez des questions et vous apprendriez que cette guitare est l’oeuvre de Roger Daguet (sans doute un petit nouveau), que ce monsieur sévit depuis plus de vingt ans… (il doit habiter dans un bled paumé en haut d’une montagne alors.. ),et qu’il réside en banlieue parisienne…(enfer et damnation !). Et là, fort dépité, vous vous demanderiez comment vous avez fait pour passer à côté des Daguet depuis si longtemps.
Genèse
Que faire lorsqu’on est jeune, pas très riche, pourvu d’un assez mauvais caractère et que l’on veut jouer de la guitare ? La fabriquer. C’est ce que fait Roger Daguet en 1975. Le bassiste avec qui il joue craque et lui demande une basse. Puis ce sont les potes et, de fil en aiguille, Daguet finit par produire bon an mal an une quinzaine de guitares jusqu’en 82. Après une interruption de dix ans, il se remet au travail, ne désignant ses guitares que sous leur numéro d’ordre.
J’ai eu l’occasion de tester quatre guitares Daguet : deux répliques et deux originales. Côté répliques, la superbe Flyin’ V équipée de deux PAF Gibson reissue, est la guitare idéale pour tout ce qui va du blues à la musique des seventies. À la fois chaude et agressive, elle est très confortable et souple d’utilisation. J’ai’ également posé mes doigts et un bottleneck sur une copie Firebird en acajou, dotée de mécaniques, d’un vibrato et d’un pickguard Gibson récupérés sur une épave. Équipée de deux mini humbuckers Chandler cette réplique, comme l’autre, surprend par l’authenticité des sensations qu’elle dégage et des sons qu’elle délivre, notamment en slide. Seule différence, le manche est ici collé et non conducteur. Malgré cela elle supporte tout à fait la comparaison avec une authentique Firebird. En outre, son âge (plus de dix ans) témoigne de la bonne tenue des Daguet dans le temps.
Coté modèle original, j’en ai eu 2 déclinaisons les n°25 et 35. Le corps pourrait se classer dans la nébuleuse fendérienne, quoique sa base soit plus "féminine", avec une corne inférieure tronquée pour un accès total aux aigus. Il est bien fini, confortable, recouvert d’un vernis cellulosique transparent et pourvu d’un pickguard custom. La N35 (photo) présente un corps en acajou africain, un manche collé, entouré d’un binding, assez épais, en érable avec touche en amarante et vingt quatre frettes jumbo. Le routing est emprunté à la Telecaster avec deux simples bobinages Seymour Duncan, un volume, une tonalité et un sélecteur trois positions. Côté accastillage, six Schaller imitation Kluson, un chevalet Schaller, un vibrato de type Mustang et une barre guide cordes maison entre les deux. Étant destinée à l’usage exclusif de son créateur, elle est aussi atypique et difficile à manier que lui ! Cela dit, on sent l ’attention aux détails, surtout dans le jeu en aigu, la jonction corps/manche se faisant complètement oublier. La N25, avec corps en padouk, touche en pao rosa (bois très dur d’Amérique du Sud) et frettes fines, est dotée d’un manche plus mince et d’une crosse "six en ligne", recouverte d’un placage en padouk. L’accastillage se compose de mécaniques à bain d’huile, d’un vibrato Bigsby et d’un chevalet maison. Deux Seymour Duncan, un mini humbucker en grave et un Tele model en aigu lui donnent de la voix avec une mention spéciale pour la sensibilité du micro grave au toucher. Il ressort de l’essai que les Daguet originales sont de vrais et bons instruments, procurant des sensations diverses et "personnelles", correspondant à ce que leur utilisateur a souhaité.
Balèze
Pour être tout à fait franc, je dois dire que les modèles originaux sont moins ma tasse de thé, ce qui, bien entendu, n’enlève rien à leurs qualités, les goûts et les couleurs comme on dit... En revanche, les répliques Gibson m’ont totalement emballé, d’autant que ce sont des modèles auxquels on s’attaque rarement dans notre beau pays. Enfin, ce qui assoit définitivement, c’est le prix plus que raisonnable de tous ces instruments, d’autant que toutes les options sont possibles.