Voilà donc pourquoi, après un test classique, Paul Personne vous expliquera ce qui l’a séduit dans cet instrument. L’histoire de ce modèle commence il y a plus de dix ans, lorsque Carlos Santana demande à Paul Reed Smith de lui fabriquer une guitare selon ses voeux, un custom quoi... Ce n’est qu’après l’avoir "testée" sur la route pendant plus de dix ans que Devadip acceptera enfin qu’on la commercialise.
Un petit bijou
Le corps, en acajou, reprend en gros la forme de la Les Paul DC. Il est surmonté d’une table sculptée, en érable ondé, formée de deux parties. Leur séparation est soulignée derrière le vibrato, par une incrustation de nacre, dont on trouve deux rappels entre les deux micros. PRS n’a pas teinté la bordure de la table ce qui simule un binding. Le manche, en acajou, au dos assez rond, rappelle un peu celui des Les Paul 57. Il est surmonté d’une touche palissandre vingt-quatre cases, délimitées par des frettes jumbo. La jonction corps/manche intervenant à la vingt-troisième frette, l’accès aux aigus ne pose aucun problème, d’autant que la corne inférieure de la Santana, à l’instar des autres PRS, est creusée pour accentuer le confort de la main gauche (droite pour les gauchers). La crosse, plus ronde, diffère également du standard maison par sa symétrie. Elle arbore fièrement l’aigle en nacre (trademark PRS) dont l’envol forme les repères de touches, ainsi que le symbole d’OM, stigmate des expériences mystiques du grand Carlos. La plaque de protection de l’électronique signée de la main du maître et surtout le très beau vernis Indigo translucide achèvent de faire de cette guitare un véritable bijou. On se sent chez soi dès les premières notes, les doigts glissent bien, le manche est présent juste ce qu’il faut, la guitare sonne déjà bien acoustiquement.
L’accastillage n’est pas en reste avec deux attaches de bandoulière extra larges et le vibrato PRS associé à six mini mécaniques PRS/Shaller à blocage. Le vibrato, maintenu par quatre ressorts est d’obédience Fender même s’il diffère de son modèle par ses pontets notamment. On se régale, car il est assez doux pour qu’on le flatte du doigt et assez ferme pour qu’on puisse le molester tout en dosant finement son action. L’association vibrato/mécaniques tient l’accord de manière irréprochable, quelles que soient la fréquence et la brutalité de vos sollicitations. Côté micros, on dispose de deux humbuckers PRS "Santana zebra coil", dont le système de sélection constitue le seul vrai reproche que l’on peut faire à cette guitare : deux mini inters vous donnent micro grave lorsqu’ils sont relevés, micro aigu lorsqu’ils sont baissés, et les deux micros lorsque le plus près du manche est baissé et l’autre relevé. Il reste une quatrième possibilité qui rend la Santana muette. Deux inconvénients : dans les premiers temps, on risque de se tromper et de se retrouver sans son alors qu’on voulait basculer sur les deux micros et de toute manière, passer d’un micro à l’autre exige que l’on manipule deux interrupteurs à la fois, pas très pratique dans le feu de l’action.
En branchant l’instrument on note tout de suite que les niveaux et les timbres des deux micros sont très équilibrés à la fois proche et différents. Le volume, extrêmement progressif permet toutes les nuances de jeu, et la tonalité, pleinement exploitable, crée des variations de rendu intéressantes. Comme le dit Paul Personne, on se situe entre la rondeur et le corps d’une Les Paul et l’attaque, le médium d’une SG. Bien sûr, la Santana offre un sustain de folie, mais on peut mettre au crédit de Carlos d’avoir conçu une guitare qui sera à l’aise aussi bien dans le blues, le rock, le jazz fusion ou le hard.
Futur standard ?
La Santana Model s’avère tout à la fois oecuménique, accueillante et efficace. Tout cela se conjuguant à la tradition haut de gamme PRS, donne une guitare vraiment craquante malgré son prix peu démocratique.
Un avis Personne(l)
Tu apprécies Santana. Est-ce ce qui t’a poussé à essayer cette guitare ?
Je suis un fan de Carlos, de son lyrisme, mais j’ai bien d’autres sources d’inspiration (Clapton, Hendrix). D’ailleurs, en général je me méfie des modèles "signature", et je préfère des guitares plus classiques, moins personnalisées, comme une Strato ou une Les Paul. Mais j’ai pensé qu’avec cet instrument, Carlos avait peut-être voulu mélanger les deux guitares qu’il a le plus souvent jouées dans sa vie, à part la Yamaha qu’il avait à une époque, à savoir la SG et la Les Paul. Ca s’est vérifié, puisque la PRS a la rondeur de la Les Paul et l’attaque de la SG. En plus on a vingt-quatre cases et une accessibilité aux aigus bien supérieure à celle d’une Les Paul et on n’est pas dépaysé puisqu’on retrouve du Gibson (manche, forme) et du Fender (vibrato). On est vite chez soi. En plus, elle est très facile à jouer ; c’est du beurre.
Au chapitre des inconvénients ?
Le seul reproche que je lui ferais c’est le poids, comparable à une Les Paul. Mais c’est peut-être le prix à payer pour avoir ce son là. Peut-être qu’il faut ajouter au prix d’achat, celui des séances d’ostéopathe quand tu reviens de tournée. Sinon, étant un peu archaïque comme mec, je me suis bien pris la tête avant de comprendre le fonctionnement des mécaniques à blocage. C’est un peu compliqué, mais la corde une fois installée, tu tires un peu dessus, tu tournes un petit poil et ça ne bouge plus. Quand t’as pigé le truc, en fait, c’est super facile. Par contre, il y a un coup de main à prendre pour introduire ta corde par l’arrière du vibrato. Si elle est un peu tordue, t’as vraiment du mal.
Si on compare la Santana à la Strato et à la Les Paul dont tu parlais tout à l’heure ?
Disons que le problème est qu’avec une Strat, tu as le son Strat et il te faut certaines pédales pour saturer ton son. Avec la Les Paul, on peut avoir un son chaud, chaleureux même à bas volume, et bien saturé comme j’aime. Par contre, elle n’a pas de vibrato et installer un Bigsby sur une Les Paul ne m’a jamais tenté vu que ça défigure un peu l’instrument et, qu’en plus, ça rajouterait encore du poids, ce qui n’est pas vraiment le but recherché. Ce qui m’intéresse donc avec la PRS c’est d’avoir à la fois cette approche "lespaulienne" et ce vibrato qui te rappelle vraiment la Strato et que tu peux employer même à fond sans te désaccorder grâce aux mécaniques à blocage. En gros c’est une guitare traditionnelle avec les avantages de la modernité. Je trouve qu’il (Carlos) a vraiment bien cogité son truc. Ce qui est plaisant aussi quand tu joues blues, c’est, comme tu disais tout à l’heure, que le volume est vraiment progressif, quand tu baisses la gratte t’as vraiment un super grain et quand tu montes, tu as cette belle saturation avec le sustain qui déboule. C’est vrai aussi que les deux micros sont très équilibrés, le grave a vraiment de l’attaque et quand tu passes sur le micro aigu qui est plein de médiums, tu n’as pas trop de différence de niveau et tu conserves cette même attaque. T’as pas un micro sourd et un micro super aigu, tu remarqueras d’ailleurs le peu d’espace qu’il y a entre les deux micros.
Tu achètes tes guitares alors que tu pourrais sans peine trouver un endorsement, pourquoi ?
Le paradoxe, c’est qu’il y a une quinzaine d’années, on ne m’aurait rien proposé, pas assez connu, alors que ça m’aurait bien aidé. Je me rappelle que quand je pétais une corde sur scène, j’disais aux gens : "Excusez-moi deux minutes, faut qu’je change ma corde". Au fil du temps je suis arrivé à me payer mes guitares et mes amplis. C’est sûr maintenant j’intéresse plus les marques, et je ne suis pas contre donner un coup de pouce à une marque, mais je refuse toute exclusivité, je veux conserver une totale liberté comme je l’ai toujours fait dans tous les domaines. Je préfère acheter mes guitares, pour ne pas me sentir prisonnier d’un engagement, liberté a toujours été mon maître mot.
L’essai et l’entretien ont eu lieu dans les locaux de Tomahawk Musique 31 bis rue Pierre Curie 78930 Guerville. Merci à Paul Personne et Patrick Folie pour leur accueil et leur gentillesse.