Les plus âgés d’entre vous (j’ai pas dit vieux hein ?) se souviennent peut-être de la Hamer Duo-Tone qui alliait deux doubles et un chevalet d’électroacoustique avec capteur piezo, guitare extraordinaire mais qui arriva peut-être dix ans trop tôt. La demande pour ce type d’instruments hybrides augmentant, plusieurs fabricants se sont lancés dont Ovation. Or il se trouve que la maison-mère de Hamer est aussi celle d’Ovation. La Viper XT bien qu’authentiquement Ovation a donc également bénéficié de l’expérience acquise par les luthiers de Hamer en matière de guitare hybride électrique/électroacoustique.
L’esprit maison
Dès l’ouverture de l’étui, il n’y a aucun doute, la Viper XT fait partie de la famille : forme générale du corps en acajou du Honduras, crosse, logo, on retrouve les ingrédients maison. Ca fait bien un peu bizarre les deux doubles posés sur la table épicéa, mais on s’habitue vite. Bon ben alors le Judge si c’était juste pour ça c’était pas la peine de nous réveiller hein !
Ben justement non, c’est pas juste une Ovation extraplate avec deux humbuckers en prime, ce serait trop facile et dieu sait que la marque ne s’est jamais laissée aller à la facilité. Pour commencer on a évidé le corps de la bête avant que d’y poser la table, y pratiquant deux chambres, l’une tenant la moitié supérieure, l’autre plus petite, occupant un espace situé sous les micros, limité vers l’arrière par la cavité électronique. On note d’ailleurs que la guitare est légèrement moins épaisse dans sa partie inférieure, ça se voit bien à l’arrière. Le manche, d’une pièce du même acajou, est collé à hauteur de la seizième frette. Il est surmonté d’une touche palissandre aux repères dots.
En plus des deux Seymour Duncan ’59, la belle reçoit un chevalet Power Bridge Fishman, de type Telecaster à six pontets indépendants. Chacun d’eux comporte en sa gorge un capteur piezo et voilà pour le côté électroacoustique. L’électronique est montée sur une plaque puisque la Viper embarque un preamp VIP (virtual imaging pickup) alimenté par une pile 9V logée au dos de l’instrument. Cette pile est flanquée d’un switch mono/stéréo très important puisqu’il permet en position mono de disposer des deux sources sonores (piezo et micros) muni d’un simple jack mono de base et en position stéréo (prévoir un jack en Y) de router séparément le signal électrique, vers un ampli, et l’acoustique, vers une table de mixage ou un ampli électroacoustique. Les trois potards commandent respectivement le volume, la tonalité et la balance piezo/micros. Ce dernier potentiomètre est doté d’un cran milieu.
Elle prône l’ouverture
La Viper est hybride jusqu’au bout des ongles en cela que chacun y retrouvera ses marques. Exemple : l’espacement des cordes est suffisant pour jouer en picking de manière confortable, on est également à l’aise pour balancer des rythmiques acoustiques avec une bonne résistance des cordes à la frappe et, dans le même temps, on se permet des bends dignes d’une pure électrique, l’aisance en prime. De même, le profil du manche, plutôt rond plaira autant aux habitués de grattes folk qu’aux amoureux des rounded Les Paul ou de certains manches de Telecaster.
A l’usage, la guitare se montre donc hyper confortable, légère, bien équilibrée en position debout et très sonore (merci les chambres). Une fois branchée, côté électrique, elle se montre très à l’aise sur tout ce qui est jazz, blues, country, rock, pop. On peut toujours jouer des trucs un peu plus bastons mais elle n’ira pas marcher sur les plates-bandes des metal axes, ce n’est pas sa destination. Versant électroacoustique, on est impressionné par le naturel du rendu pour peu qu’on prenne soin de ne pas pousser le volume à fond quand on est full piezo. On ne constate aucune espèce de sécheresse métallique, comme c’est parfois le cas avec l’amplification piezo. Non, malgré la finesse de son corps, la Viper sonne vraiment bien « acoustique ». A tel point que branché sur un stack Marshall JCM 800, on n’a aucun mal à faire illusion et bien malin qui pourrait dire les yeux fermés sur quel ampli électroacoustique on joue ;-). Mieux, en mixant le son du capteur et celui du double grave, à l’aide de la balance, on gagne encore de la rondeur, du moelleux et on accroche des sons de guitare électroacoustique plus vrais que nature. En positionnant le switch sur stéréo, le rendu gagne en largeur puisqu’on sort au moins sur deux amplifications différentes. On peut aussi traiter plus précisément le son que ce soit du point de vue de l’égalisation ou de l’adjonction d’effets, notamment reverbs, delays et effets de modulations. Le fait de router séparément les deux signaux nous place un peu dans la position d’ingénieur de notre propre son.
Alors c’est vrai, la Viper XT n’est pas la seule guitare sur ce créneau mais, outre la qualité reconnue des produits Ovation, ses plus viennent de sa grande facilité d’utilisation, de son positionnement pleinement hybride, à la croisée des chemins et du rendu de son préampli qui gagnerait cependant à pouvoir être utilisé à fond en piezo. C’est le seul reproche que je lui ferai.