Il y a deux ou trois ans, arrivait sur le marché français un stack Peavey, conçu avec le bel Eddie. Bien qu’assez performant, il n’avait pas entièrement convaincu, peut-être parce qu’on attendait de ce guitariste d’exception, un ampli exceptionnel. Eh bien, gaudéamus frères guitaristes, cette machine de rêve C’EST le 5150 Combo.
I’m The One.
Voilà un ampli qui a de la gueule. Massive et rectangulaire, sa façade vous fait sentir ce que la sobriété peut avoir d’imposant : partie inférieure toilée et panneau supérieur grillagé arborant le nombre fétiche, séparés par une barre horizontale qui, nous le verrons, est loin d’être une simple fioriture. Le panneau de commandes, en alu brossé, orné de potards façon flèche et agrémenté de la signature du maître, se trouve sur le dessus de l’ampli, à la manière d’un Vox, juste derrière la poignée et la grille de ventilation. A l’arrière, on retrouve le dos du châssis, puis une robuste grille à travers laquelle on aperçoit les transfos et bien sûr, les cinq 12AX7 de préamplification maintenues par des caches métalliques individuels et les deux 6L6, permettant au 5150 de délivrer les soixante watts RMS qu’il revendique. A ce propos, je le trouve bien modeste le bougre ; le personnel d’Universal Studios en a encore les oreilles tintantes. La grille comporte un orifice par lequel s’échappe le cordon secteur plus deux pattes pour l’enrouler, ce qui facilite le transport. Mais la vraie surprise est encore au dessous : d’habitude, un combo est ouvert à l’arrière de manière à ce que les vibrations et les déplacements d’air engendrés par le ou les HP (surtout dans les fréquences basses) n’endommagent pas l’électronique ; sur le 5150, rien de tout cela puisque l’arrière est hermétiquement clos. C’est que l’enfant d’Eddie a l’air d’un combo, a le côté pratique d’un combo, mais est conçu comme un stack, tête et baffle étant solidaires mais compartimentés. Cela permet à l’ampli d’offrir des basses, une compression et une diffusion dignes d’un stack. Cela dit question poids, le bestiau adopte aussi l’esprit stack avec un peu plus de trente-huit kilos à la pesée. Des roulettes eussent été les bienvenues M. Peavey... Enfin une bonne et une mauvaise nouvelle : le pédalier de commutation des canaux et de mise en fonction de la reverb est fourni, mais il s’agit encore du pédalier standard de la marque dont on peut se contenter avec un Bandit, qui fait déjà un peu cheap avec un Classic 50 et qui détonne carrément avec un appareil de la classe du 5150. Petite particularité, le footswitch n’entre en fonction que lorsque le switch manuel de commutation des canaux est enclenché. La finition de l’ensemble ne souffre pas de reproche particulier, les matériaux employés sont dans l’esprit de l’engin : robustes et beaux.
Runnin’ With The Devil.
Le 5150 possède deux canaux, rhythm et lead partageant la même égalisation trois bandes et les réglages de reverb, presence et resonance, qui donne aux basses plus de tenue, les faisant ressortir tout en creusant un peu le son. Chacun dispose d’un pré (soit un gain ou un drive) et d’un post-volume (soit un master). Sur le canal rhythm, le pre s’accompagne d’un bright et d’une fonction crunch sous forme de switches. Le crunch permet de transformer le canal clair en deuxième canal saturé avec une couleur et un grain différent du canal Lead. Les sons clairs sont très classes, mélangeant avec bonheur rondeur, attaque et brillance. Le bright joue son rôle à plein ainsi que l’égalisation. Le tout allié à la présence (la resonance n’étant pas très intéressante en son clair) donne une palette de sons assez étendue. En passant la barre des 3/4 au pre volume on atteint à des sons crunchs tout à fait exploitables, sans enfoncer le switch du même nom. Donc si l’on veut des sons clairs puissants, on maintient le pre aux alentours de 3 et on pousse le post à 5 ; si l’on désire du crunch ou on pousse le pre, ou bien on enclenche le switch idoine. Dans ce dernier cas, les sons obtenus saturent différemment et comportent plus de médiums. D’autre part la resonance devient plus intéressante pour remonter le niveau des basses ou si l’on cherche à creuser le son. Dans ce mode le canal rhythm se montre capable de grosses saturations à faire pâlir d’envie bien des canal lead sur le marché. De plus, là encore, la couleur, la nature des attaques, la texture de la saturation sont différentes de celles du canal lead, d’où une variété sonore accrue.
Eruption
Le canal lead pourrait s’appeler canal nirvâna (l’état de grâce, pas le groupe) tant il est à la fois souple, simple et jouissif. Le taux de saturation de base est élevé et ne se réduit qu’en baissant le volume sur la guitare. Et attention, il ne s’agit pas ici d’une saturation cheap : c’est de la vraie, de la bonne, pleine de chaleur, de compression et d’harmoniques, qui ne gomme pas les attaques, qui ne fait pas chuter le volume lorsqu’on la pousse et qui se laisse travailler dans tous les sens. La resonance est pleinement exploitable sur ce canal et aide à la confection de sons hard ou thrash (bonjour le dropped D). Ce qu’il y a de génial avec cet ampli, c’est que même après une heure d’essais en tous genre, on a encore des surprises et on sait qu’on a pas fait le tour de la question. Cela dit, je conseillerais à ses futurs utilisateurs d’insérer dans la boucle d’effets (excellente au demeurant) une pédale de volume, un noise gate ou un Hush, le 5150 générant, comme toutes les bêtes à grâouh, pas mal de souffle à forte puissance. Cela ne gêne en rien le jeu mais s’entend quand on s’arrête de jouer. On évitera aussi le feedback lorsqu’on est trop près de l’ampli. A ce sujet, signalons que les larsens (musicaux s’entend) fusent à tout va de la manière la plus agréable qui soit. La versatilité, tant du point de vue des différents taux de saturation possibles que du travail que permettent les divers réglages d’égalisation, est un des points forts du 5150.
You Really Got Me.
Le 5150 est un bel ampli, plein de personnalité, puissant, impressionnant, bien fait, chaleureux, versatile, conçu par un guitariste pour des guitaristes. Vraiment, Eddie ne s’est pas foutu de nous et si l’on excepte la reverb et le pédalier, il n’y a rien à jeter dans cette machine. Et même j’vais vous dire : si on me donnait 7 615 F, là, tout de suite, j’irai m’en acheter un (vous pouvez d’ailleurs envoyer vos dons au journal pour le "Noël de Judge Fredd"). Enfin bref, Peavey, qui venait de frapper très fort dans le monde du transistor avec les Transtube Series, récidive au royaume du tube avec ce 5150, une des (sinon LA) meilleures affaires du moment dans cette catégorie.