(Note : toutes les images qui illustrent cette interview proviennent du site www.lynyrdskynyrd.fr)
Rappelons d’abord que vous n’êtes pas dans Lynyrd par hasard et que votre histoire avec le groupe date d’il y a bien longtemps...
Oui j’ai commencé dans Lynyrd Skynyrd comme batteur au début des années 70. J’avais eu Allen Collins au téléphone et à l’époque leur batteur les quittait. Quinze jours après, j’étais à Muscle Schoals en train d’enregistrer ce qui deviendrait Skynyrd’s First and Last (réédité en 1998 avec des bonus tracks sous les nom de Skynyrd’s First : The Complete Muscle Shoals Album NDR). Après environ trois ans, j’ai senti que, d’une part, j’avais envie de rejouer de la guitare et de chanter, et, d’autre part, je n’étais pas un assez bon batteur, enfin pas au niveau que Lynyrd avait envie d’atteindre. Donc j’ai quitté Lynyrd vers 73 ou 74 et j’y suis revenu en 1996. Entretemps bien sûr, il y a eu Blackfoot.
Il y a même des rumeurs comme quoi vous auriez pu être dans l’avion qui s’est crashé en 77...
Oui, enfin Ronnie m’avait proposé de les accompagner sur deux ou trois dates de cette tournée, mais aurais-je été dans l’avion précisément ce jour-là je n’en sais rien. De toute façon les choses se sont passée autrement : nous avions des dates avec Blackfoot.
Vous vous souvenez où vous étiez quand vous l’avez appris ?
Oui bien sûr, nous jouions à Columbia et mes roadies l’ont appris pendant qu’on était sur scène. Ils nous ont fait passer la nouvelle. De retour à l’hôtel, j’ai appelé mes parents et là, mon père m’a dit que Ronnie faisait partie des victimes.
Où a été enregistré God And Guns votre nouvel album ?
A Nashville, en majeure partie à Blackbird, le studio de Martina et John Mc Bride, sur une période d’un an. On l’a fini durant le premier semestre 2009. C’est pendant l’enregistrement que nous avons appris qu’Ean (Ean Evans bassiste NDR) avait un cancer et en janvier on a perdu Billy (Billy Powell pianiste historique du groupe NDR), puis Ean nous a quitté en mai. Bien sûr on s’est interrogé sur le fait de finir ou non l’album. On s’y est résolu et les retours qu’on a des fans et de la presse, disant que c’est le meilleur album de Skynyrd depuis Street Survivors nous a donné raison. Je prends ça comme un super compliment.
Jusqu’où es-tu engagé dans le processus d’écriture ?
J’ai participé à tout l’album, musique et paroles, à l’exception de God And Guns.
Justement, ce titre et quelques vers de That Ain’t My America parlent des armes et de la religion comme des deux piliers de l’Amérique...
T’es pas le premier à me poser cette question. En réalité, au-delà des mots God et Guns c’est plutôt l’idée qu’il faut voir : la partie God représente ce en quoi tu crois, religieux ou non, spirituel ou non, et la partie Guns représente la liberté de choix, la liberté d’aller ou tu veux. Je suis convaincu que tout être humain doit avoir le droit d’aller ou bon lui semble de faire ce qu’il a envie de faire sans restriction, sans qu’un pouvoir supérieur ait le droit de lui dicter ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Donc God and Guns représente ce en quoi tu crois et ta liberté ;. Voilà le sens du truc.
On ressent aussi une espèce de mélancolie, de désenchantement dans Raining in My Heartland ou Storm, c’est le reflet de la crise économique aux US ?
Nous avons toujours écrit des chansons enracinées dans le quotidien, sur ce qui se passe dans la vie réelle des gens, c’était déjà le cas du temps de Ronnnie. Raining, ce sont des choses que nous voyons autour de nous et qui se passent dans pas mal d’endroits. Storm c’est plutôt ce qu’Ean a traversé durant sa maladie, ce qu’il ressentait intérieurement. De même, Still Unbroken, qui est le single ici, a été écrit juste après la mort d’Ean pour dire : "Voilà, on est toutjours là !".
Skynyrd Nation est une chanson tribute à vos trois générations de fans et semble taillée pour être un grand moment live...
Oui, c’est le premier titre que nous jouons en concert, et, à chaque fois, ça tue. Depuis le temps que Skynyrd existe, nous avons des fans de 13 à 55 ans maintenant. Pour nous c’est extraordinaire et on avait vraiment envie de célébrer ça par une chanson.
En dehors de ce titre particulier est-ce que le public apprécie autant les nouveaux morceaux que les anciens qui, pour certains font partie de la légende du rock ?
On est forcément confronté à l’héritage du groupe, on ne peut l’éviter. Mais les gens ici apprécient énormément les nouveaux titres. On a pas mal de rotations radio et télé, et le disque semble destiné à cartonner. Alors, il n’est bien sûr pas question d’éclipser des titres comme Sweet Home Alabama ou Freebird, mais juste d’enrichir encore le répertoire de Lynyrd Skynyrd.
Gifted Hands ?
Cest une chanson dédiée à Billy Powell. Billy était un grand pianiste... C’est marrant d’ailleurs car on l’a découvert un peu par hasard. On le connaissait comme loueur de matos et, un jour, il vient au studio, monte un piano et, pour en vérifier le fonctionnement, il s’assied et joue ce qui est plus tard devenu l’intro de Freebird. C’est comme ça qu’il est entré dans le groupe...
Quelques mots sur Hughie Thomasson (ex Outlaws et guitariste de Lynyrd mort en 2007 NDR) comme guitariste et comme personne ?
Je l’ai bien connu et j’ai pas mal bossé avec lui, même du temps où il était avec Outlaws. C’était un guitariste phénoménal dont tout guitariste de rock pourrait s’inspirer avec profit et, également un type super, agréable et attentionné. Je ne me souviens pas avoir eu une seule dispute avec lui en plus de 30 ans.
Parlons de Rickey Medlocke maintenant : comment êtes-vous venu à la guitare ?
J’ai commencé la guitare à cinq ans. Mon grand-père, Shorty Medlocke, avec qui j’ai grandi, qui a écrit Train Train un des gros succès de Blackfoot, était un musicien delta blues et country. J’ai donc grandi dans une famille musicale. A cinq ans, j’ai pris une guitare et j’en suis tombé amoureux. Ensuite j’ai joué de la batterie et d’autres instruments, mais ma passion pour la guitare était la plus forte et je l’ai toujours aujourd’hui.
Votre jeu de guitare, spécialement en chorus, s’est "skynyrdisé" par rapport à l’époque Blackfoot, non ?
Je dirais que l’adaptation, si on en est capable, fait partie du travail de l’instrument et de l’instrumentiste. Une des raisons qui ont poussé Lynyrd Skynyrd à me rappeler en 96 était que mon style, particulièrement en solo et celui d’Allen Collins (mort en 1990 NDR) étaient assez similaires. On aimait tous les deux Clapton, Beck, Hendrix. En même temps, pour moi le défi était d’intégrer et d’adapter ce qu’il avait fait et d’arriver à m’exprimer. Je pense y être arrivé.
Et vous vous amusez autant sur Freebird que sur les nouvelles chansons ?
Absolument. Je le joue chaque soir et pourtant c’est toujours un peu différent. Au fur et à mesure j’ai changé un ou deux trucs par-ci par-là pour le rendre un peu plus mien, du coup ce solo est pour moi une occasion de m’exprimer tout en perpétuant l’héritage d’Allen.
A propos de Blackfoot, j’ai lu sur le web des propos assez amers de Charlie Hargrett, surtout par rapport à vous..
Il faut comprendre un truc. Après qu’on se soit séparés, je pensais être propriétaire du nom Blackfoot et moi j’aurais voulu laisser ce nom tranquille et que les gens se souviennent du Blackfoot de la grande époque. Ca ne s’est pas passé comme ça, ils voulaient pouvoir utiliser le nom, donc il m’ont traîné en justice, on a fini par trouver un accord, et ils ont eu le droit d’utiliser le nom Blackfoot. Sauf qu’ils n’en ont pas fait grand-chose. Je sais que Charlie est un peu aigri de tout ça et je pense qu’il faut considérer ce qu’il a écrit à l’aune de cette aigreur. Crois-moi, ces gars ont gagné de l’argent avec Blackfoot, des débuts jusqu’à la fin, je ne sais pas ce qu’ils en ont fait mais ils en ont gagné un paquet. (Rires)
Un de mes morceaux de Blackfoot préférés est Spendin’ Cabbage, vous souvenez-vous comment il est venu ?
Oui en fait ça vient de Shorty qui, quand il parlait d’argent, de monnaie, disait spendin’ cabbage. J’ai joué tous les instruments, j’ai enregistré et Shorty a joué la partie d’harmonica. Donc ça me fait d’autant plus plaisir que tu l’apprécies.
Ah ben j’ai pas fait exprès mais c’est vraiment une de mes préférées.
Eh bien merci vraiment...
Free et Paul Kossof ont eu une grosse influence sur les groupes de Southern Rock que ce soit Skynyrd, Blackfoot ou Point Blank, pourquoi ?
Il faut se représenter que lorsque nous avons grandi, il étaient déjà un grand groupe. Paul Rodgers a été une influence énorme pour moi en tant que chanteur, Paul Kossof était une des gosses influences de Gary Rossington et de Charlie Hargrett. C’était vraiment un groupe... c’était LE groupe, le real deal : brut, sans prétention et il écrivaient des titres grandioses. Pour moi, malgré leur succès, ils ont toujours été sous-estimés, même à l’époque. Paul Rogers est un grand chanteur encore aujourd’hui et en plus c’est devenu un ami. Il est monté sur scène jammer avec Skynyrd à Vancouver sur Sweet Home Alabama. C’était phénoménal pour nous, le voir sur scène avec nous en train de chanter une de nos chansons...
D’ailleurs ça ne vous manque pas de chanter dans Skynyrd ?
Je partage les vocaux avec Johnny sur Skynyrd Nation, donc je chante quand même un peu et il se pourrait que je rechante un peu plus dans l’avenir.
Dans les années 80, tous les groupes de southern rock ont pris un virage hard FM pas très heureux qui a un peu désolé les fans français d’ailleurs, c’était quoi ? Une mode, des directives de maisons de disques ?
Eh bien justement c’est une des choses qui a amené des groupes comme Blackfoot à splitter. Les labels s’étaient vraiment ingéré dans le processus de création des groupes, dans la musique, le son et il fallait s’adapter à ça essayer de coller à ce qu’ils voulaient, à ce qui était à la mode. Quand je regarde en arrière, évidemment je souhaiterais que nous soyons restés ce que nous étions, que ça ne soit jamais arrivé, mais c’’est arrivé...
Vous jouez toujours sur vos Explorer Ibanez ?
Non non j’ai une Explorer Gibson et aussi quelques nouvelles Les Paul spécialement faites pour moi avec vibrato qui sont pas mal. Je suis un "Gibson/Marshall guy". Je n’utilise pas d’effets à part, de temps en temps, une wah. Mes amplis sont des Marshall qui vont du milieu des années 60 jusqu’au début des 70. Certains ont été hot roddés et crachent 180W en son clair. (sourire...)
Qu’est-ce que vous aimez dans l’Explorer ?
D’abord son bois, le korina qui la dote d’une superbe résonance. Et puis j’aime l’avoir entre les mains, d’ailleurs c’est la même chose pour pas mal de mes vieilles guitares vintage.
Quelles autres guitares possédez-vous ?
J’ai 58 guitares électriques dont une vieille Explorer de 1958, ma Les Paul Black Beauty de 65, un des prototypes de la Firebird, trois Firebird, deux de 63 et une de 65, enfin pas mal de trucs du genre, sinon pour les tournées j’emmène des guitares plus récentes.
Un conseil de sage ?
Tenez-vous en à ce que vous aimez vraiment à ce que vous sentez vraiment. Ecrivez de grandes chansons et surtout ne les donnez jamais pour rien car vous verrez d’autres que vous faire de l’argent avec, ça m’est arrivé, je sais de quoi je parle...