On connaît Dubreuille pour ses réalisations tout à la fois fantasques et d’excellente facture. Confronté au problème de force de vente que se pose tôt ou tard tout luthier européen, maître Phil s’est allié à Mesa Boogie Allemagne pour l’aider à conquérir les marchés sur lesquels il n’est pas implanté, en gros partout sauf en France et en Suisse. Cela nous vaut dans un premier temps l’arrivée de la série Philgood reprenant les caractéristiques des guitares Resophonic Dubreuille (elles-mêmes inspirées par le célèbre modèle National du même nom) sauf sur un point : le manche.
Première claque
En effet, dans le but louable de proposer des guitares plus abordables, le luthier savoyard a doté cette série de manches fabriqués au Japon qu’il retravaille dans son atelier. En érable, sans touche rapportée, vissé en quatre points il sont de type Telecaster et comportent vingt-et-une cases délimitées par des frettes de largeur moyenne. Les amateurs de Fender ne seront pas dépaysés lors de la prise en main. Les sensations délivrées sont comparables à celles d’une bonne Tele, mis à part l’action légèrement plus haute, slide oblige. Pour le reste, nous avons donc affaire à une guitare solidbody dont le corps en érable accueille un résonateur. Dès qu’on la sort de la housse, c’est la baffe : bêêêêlle, trop belle avec son vernis rouge vif complémentaire de sa débauche de chromes et de pickguard nacrés. On constate une extrême attention aux détails, le tout est bien fini et respire le bon goût. Seul petit défaut, le bord de la plaque de fixation du manche dépassait très très légèrement de la jonction corps/manche. L’accastillage est réduit au minimum : le cordier habituel et complémentaire du résonateur, six mécaniques de type Fender, deux attaches de bandoulière qu’on aurait préférées à blocage et un guide-cordes pour les deux cordes aiguës. A l’arrière une grande plaque en forme de rosace reçoit en son centre une vis permettant de réduire un éventuel bruit de fond. Deux autres cavités accueillent l’une l’électronique, l’autre la pile du capteur piézo.
Sans être branchée, la guitare sonne déjà fort grâce à son résonateur. Sa sonorité naturelle est très gratifiante, veloutée, médium sans agressivité superflue, puissante et douce à la fois. On ne s’en lasse pas et je dois avouer que c’est bien la première solidbody que je n’étais pas du tout pressé de brancher. J’avais tort car, là encore, une deuxième grosse baffe m’attendait.
Deuxième claque
L’électronique combine un lipstick, et un électret (petit micro vraisemblablement placé sous le résonateur) et/ou un capteur piézo mixables avec le lipstick. Le tout se contrôle grâce à quatre potentiomètres et un switch permettant de sélectionner soit l’électret, soit le piézo. Un peu esseulé près du lipstick se trouve le volume général de l’instrument, dont le potar est cranté. Regroupés sous le résonateur, la tonalité, le volume électret/piézo et le volume du lipstick qui se tire pour donner accès à la stéréo. En effet la Philgood est nantie de deux sorties, l’une classiquement mono, l’autre stéréo. Cette dernière, nécessitant l’emploi d’un jack stéréo, permet d’attaquer une table de mixage, une console de studio ou deux amplis différents. Dès qu’on l’a branchée on est étonné par sa palette sonore. Bien sûr, on reste dans l’univers "dobro" mais avec de très nettes nuances suivant qu’on utilise le lipstick, l’électret, le piézo ou une combinaison de deux d’entre eux.
Le premier représente le versant purement électrique de la Philgood, avec de franches attaques (simple bobinage oblige), du corps, de beaux médiums qui magnifient tout, même les frottements de doigts ou les zingueries de bottleneck. Très pur en son clair, il s’avère aussi très bon en mode saturé avec un beau sustain et toujours ces attaques bien définies. Avec l’électret, la reproduction du son acoustique de l’instrument touche à la perfection. Toutes les nuances, toutes les composantes de la sonorité naturelle de l’instrument sont parfaitement rendues. Couplé au lipstick, on a accès à une palette de sons mariant chaleur et agressivité, c’est tout simplement magnifique. Je suis moins conquis par le piézo, qui, s’il a son côté pratique et tout terrain, ne rend pas assez compte de la richesse sonore de l’instrument et ne possède pas un niveau de sortie suffisant pour que son mixage avec le lipstick soit aussi riche et plaisant que celui de l’électret.
Ebouriffante
Philippe Dubreuille a su faire des économies là où il le fallait et propose un instrument exceptionnel au même prix que beaucoup de guitares bien moins passionnantes. Avec la Philgood, on se sent bien.