Chandler a commencé comme fournisseur de pièces détachées de remplacement tous azimuts. Il continue d’ailleurs aujourd’hui avec un catalogue fourmillant de références, qui n’est pas étranger à la richesse de dotation de ses guitares. Cela, et son mode de production très "Custom Shop", explique que certaines de ses guitares ressemblent un peu à des patchworks, dans l’acception la plus noble du terme.
Lutrikitû
Ainsi le corps, en aulne de la 555 Twin, bien que plein, est largement inspiré de celui de la Rickenbacker 325 qu’affectionnait John Lennon (Chandler a d’ailleurs l’autorisation de Rickenbacker pour utiliser ce dessin). On fait ensuite un petit tour chez Gibson avec le superbe vernis Vintage Blond translucide, interprétation chandlérienne et de bon goût, du fameux "TV Yellow" qu’on retrouvait sur nombre de Les Paul Special et Junior. Rendons-nous maintenant chez Fender pour l’ancrage des cordes qui se fait à la manière d’une Telecaster. Restons-y pour constater que l’électronique, d’obédience Gibson, est entièrement fixée sur le pickguard écaille, à la mode Stratocaster. Le manche, d’une pièce d’érable, au profil calqué sur celui des SG ’62, est collé à hauteur de la vingt-deuxième case, ce qui assure un excellent accès aux aigus, la touche comptant justement vingt-deux cases. Cette dernière, en palissandre de Rio, arbore des frettes jumbo (Dunlop 6100 pour les connoisseurs). Les repères de type dots scintillant de leur plus belle nacre, la plaque d’accès au truss-rod et surtout la magnifique crosse évidée, (slotted headstock, autorisation de Rickenbacker là encore) achèvent de donner une certaine classe à l’ensemble. Ses six mécaniques Chandler, de type Kluson à graissage manuel, sont disposées sur sa tranche, le fût en travers de l’évidure comme sur une guitare classique. Pour le chevalet, Chandler, comme souvent, a fait confiance à Wilkinson dont la qualité de fabrication n’est plus à vanter. Le reste de l’accastillage se compose de deux boutons attache-courroie et deux boutons de potar chromés.
Malgré ou peut-être à cause de la diversité des influences (j’oubliais le diapason Fender), la 555 est une guitare homogène, pleine de personnalité à la lutherie soignée, extrêmement agréable à jouer.
Sonkilfon
Côté électronique, j’avoue n’avoir pas vu d’ensemble tout à la fois aussi cohérent, polyvalent, totalement adapté à la guitare et techniquement irréprochable depuis longtemps. La 555 Twin est équipée de deux humbuckers Chandler Hot Vintage bicolores que servent un sélecteur, trois positions et deux potars push-pull, l’un de volume, l’autre de tonalité. Chaque micro se voit donc attribuer son propre push-pull de split en simple, ce qui donne huit sonorités de base à l’instrument : grave double ou splitté, aigu double ou splitté, position intermédiaire avec les deux en double, les deux splittés ou l’un en double et l’autre splitté. Mais cela n’est encore rien : volume et tonalité (potars Chandler disponibles séparément) sont des modèles de progressivité, du genre que l’on rencontre assez rarement. L’un et l’autre offrent donc toute une palette qui enrichit d’autant les possibilités sonores de la 555. En mode humbucker, la guitare sonne Gibson vintage. Si les essences utilisées lui interdisent de sonner aussi profond qu’une Les Paul, on retrouve avec les Hot Vintage des accents des PAF 59 : une puissance respectable qui n’empêche pas la subtilité du grain, une agressivité douce et chaude, des harmoniques sifflantes et des médiums musicaux et exploitables. Dans ce mode, la 555 est idéale pour le blues, son volume progressif aidant l’instrumentiste à traduire très précisément tous ses états d’âme, le rock, l’aulne lui donnant juste ce qu’il faut de tension dans les attaques ou le hard, son manche fin et rapide convenant aussi à ce type de jeu. En mode simple, on n’est pas aussi proche des Fender qu’on l’était des Gibson en double, mais on dispose cependant d’une flexibilité remarquable, encore une fois décuplée par les deux potars. Dans ce mode aussi, la guitare est à l’aise en son clair comme en saturé. Enfin, et c’est là que Chandler est malin, on peut très bien utiliser le grave en simple en rythmique et l’aigu en double pour les chorus, avec une position intermédiaire rappelant autant l’un que l’autre et un volume qui peut vous faire passer du plus clair au plus saturé sans changer de canal.
Livrée dans un étui, copie conforme de ceux que Fender utilisait dans ses premières années, la Chandler 555 Twin est une superbe guitare pratiquant la polyvalence musclée. Sachez qu’elle existe aussi en version Classic (trois mini humbuckers câblés comme sur une strat), Baritone (accordée un octave plus bas) et avec crosse pleine. Chandler bossant un peu comme un luthier, toutes les options sont possibles, l’importateur français, que j’adjure d’ailleurs de me laisser tester les versions précitées (por favor, El Presidente), encourageant tous les délires. En un mot comme en cent, "la 555 Twin m’a tuer".