C’est en rendant visite à Oldies guitares à Paris et en en voyant une trôner en bonne place que je me suis rendu compte que nous n’avions jamais passé le modèle phare de Loïc La Pape sur le grill. Lacune aussitôt comblée grâce à l’obligeance de Philippe, l’hôte des lieux.
De rouille et d’ocres
Alors on n’est pas surpris par la forme qui reprend celle de la LP Junior DC dans une version acier rouillé, très esthétique et très légère. Le regard se perd dans les dessins formés par la rouille, mélange de différents tons de brun, de noir, d’ocres, au milieu desquels émerge par endroit le gris métal de l’acier brut, l’esprit vagabonde comme celui d’un enfant qui regarde les nuages et se plaît à y reconnaitre formes familières et fantastiques. Alors bien sûr, cette finition Old Brass (vieux cuivre) surfe sur la mode du relic comme en témoignent la zone blanche sur le pickguard qui simule l’usure due à des coups répétés de médiator, la patine à l’arrière du manche, on a l’impression qu’il a déjà été parcouru pendant des centaines d’heures, les craquelures sur la tête vrais faux outrages du temps et bien sûr, le traitement de l’ensemble de l’accastillage qui semblent avoir des milliers d’heures de vol tout en étant parfaitement opérationnel je vous rassure. Enfin on remarque qu’elle n’est pas très lourde (genre autour de 3,5kg) et bien équilibrée.
La grosse différence avec son modèle d’outre-Atlantique, c’est qu’ici le manche est, bien sûr, vissé. C’est un bon gros manche en acajou, au profil Rounded 59, de fabrication japonaise (gage de qualité), retravaillé par Loïc. Il remplit bien la main et sa touche palissandre est agréable sous les doigts. Bref confort n’roll. Mais… pas trop, faudrait quand même pas s’endormir, la Lsteel Paul Junior DC reste une guitare qu’il faut dompter. N’escomptez pas la faire hurler de plaisir en l’effleurant du bout des doigts, non, elle veut de la pogne, de la hargne et de la sueur. C’est une rebelle. Oubliez donc les joliesses de salon, les acrobaties destinées au followers transis de votre chaîne Youtube, et rentrez lui dans le lard ! Jouez simple et efficace, elle vous le rendra au centuple.
A vide, on apprécie déjà sa sonorité légèrement « dobroïsante », son côté vivant, la belle circulation des vibrations dans l’instrument et on se demande finalement si on a vraiment besoin d’un ampli.
Hot, warm and righteous
La réputation des micros SP Custom en termes d’authenticité de chaleur et de patate n’est plus à faire et le P90 est devenu au fil du temps l’un de ses best-sellers. Le Hot Warm 90 modèle monté sur les guitares de Loïc, routé via un volume et une tonalité, est optimisé pour les corps en acier, d’où l’avantage de bosser entre artisans français, on se comprend et on va dans la même direction. En son clair, il est puissant, remonte bien le côté organique de la bête, mais il faut reconnaître que pour y rester (en son clair) il faut baisser légèrement le volume (vers 8/8,5). Parce que la bougresse et son micro n’ont qu’une envie : cruncher. Et comme son inspiratrice, elle crunche à merveille. Au moins on se rend compte que le volume comme la tonalité d’ailleurs, ne sont pas là pour faire joli mais participent tous deux efficacement au taillage du son dans la masse, même si on prend naturellement bien son pied en « mode gaulois » (partout-à-dix) avec cette DC. En crunch vous aurez accès à tout : son blues on the edge, rythmiques stoniennes, rock ricain large et brillant, défourailleries punkifiantes et AC\DC early version. En saturax, la belle ronronne bien aussi mais revers de la médaille, le P90 commence à accuse son caractère de simple par une ronflette bien présente, même si elle ne gêne pas tant qu’on joue.
Au final cette petite française se montre à la fois originale, fidèle au concept d’origine, délivre des sonorités convaincantes et procure des sensations sonores et tactiles très agréables. Si vous aimez ce type des guitares, donnez-lui sa chance.
Démo par Doc Loco