Qu’on me comprenne bien : je n’ai rien contre les armées de zicos, amateurs ou non, doués et moins doués, qui envahissent les rues tous les 21 juin. Je trouve ça plutôt sympa. Mais je me suis toujours demandé ce qui arriverait si on essayait de faire la même chose le lendemain de la FDM ou n’importe quel autre jour dans l’année. Ben oui, on se ferait dégager, voire arrêter, voire confisquer le matos, insulter par le voisinage etc. Parce que, un jour dans l’année, le 21 juin, c’est la FDM mais les 364 restants ? C’est la soupe à la grimace !
Illustration tirée d’un article révélateur sur la FDM 2005 à Vannes
Cette FDM pourrait couronner par exemple une véritable politique éducative en matière de musique, et d’art en général. Aux Etats-Unis, en Allemagne et dans bien d’autres pays, les mômes à l’école sont invités à s’essayer à divers instruments, ils jouent en orchestre, chantent dans une chorale, font de la musique en famille. Combien d’entre nous ont pu faire cela grâce à l’école ? Une minorité, et ça ne date pas d’aujourd’hui. Ces décennies d’indigence éducative ont pour conséquence une culture musicale assez pauvre en moyenne qui ne favorise ni la pratique régulière d’un instrument par monsieur tout le monde, ni l’émergence de nouveaux talents. Heureusement l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux permet désormais à tout un chacun d’accéder gratuitement (pour combien de temps encore ?) à de nombreuses sources de connaissance (théorie musicale, pratique instrumentale) et de se faire connaître d’un grand nombre de personnes mais ça ne comble pas le déficit initial. Alors on fête quoi exactement ?
Cette FDM pourrait être le signe d’un accès à la musique facile et peu cher destiné au plus grand nombre. Là encore internet et la technologie (MP3) sont venus bouleverser la donne, mais je constate que le moins qu’on puisse dire est que ça ne plaît pas à tout le monde (lire un dossier sur la riposte graduée). Est-il normal qu’il ait fallu attendre les MP3 et la généralisation des téléchargements illégaux pour que la musique (et malheureusement pas toute la musique) soit enfin accessible à la majorité ? Les disques coûtent cher. Les instruments coûtent cher. La pratique d’un art quel qu’il soit (on pourrait parler du sport ce serait pareil) coûte cher. C’est réservé à une élite, la même qui octroie au bon peuple une soirée de FDM. Alors vous me direz que quand même il y a de plus en plus d’instruments pas trop chers ou présentant un excellent rapport qualité/prix. C’est vrai et c’est faux, parce que dans le même temps les instruments haut de gamme sont devenus hors de prix. Alors on fête quoi exactement ?
Cette FDM pourrait être aussi une affirmation que la France soutient les musiciens et plus largement les intermittents du spectacle. Or moi qui me suis toujours débrouillé pour avoir plusieurs activités en parallèle je constate que, sur tous ceux que j’ai connus qui ont fait le choix d’une vie dédiée à la musique, une minorité s’en sort bien tandis que la majorité soit a changé de voie, soit vit du RMI. Et il s’agit de gens talentueux, reconnus comme tels, qui ont passé des heures, des mois et des années à se perfectionner sur leur instrument. Qu’on ne me dise pas que c’est la loi du genre et qu’il n’y a pas de place au soleil pour tous. Si la pratique musicale, l’écoute de musique autre part qu’au supermarché ou dans l’ascenseur, étaient plus développées, si on n’avait pas matraqué la musique live à coup de réglementations imbéciles, si on avait multiplié les lieux de concerts au lieu de les fermer les uns après les autres, si les concerts étaient plus faciles et moins chers à organiser, si on y attirait les gens par des tarifs plus bas et des horaires plus adaptés pour qui travaille le lendemain, alors il y aurait peut-être plus de boulot pour les musiciens et tous ceux qui vivent du spectacle live en France. Alors on fête quoi exactement ?
Pour être tout à fait juste, j’admets que la situation générale a un peu évolué en 27 ans (depuis la première FDM) mais c’est essentiellement à cause de l’arrivée d’internet, de la démocratisation de certaines technologies et en tout cas sûrement pas grâce aux intiatives de nos dirigeants politiques et/ou culturels, toutes obédiences confondues.