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Guillaume Pille

L’homme aux deux notes

D 28 octobre 2015     H 11:15     A Judge Fredd    


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Two Notes se lance dans un nouveau défi avec une série de quatre préamplis à lampe au format pédales, le bon moment pour évoquer avec Guillaume Pille sa trajectoire et celle des Torpedo.

Je me souviens encore de ma première rencontre avec Guillaume Pille en 2008 au défunt Salon de la Musique de Paris. Un gars sympathique avec un rack dans lequel était installée la première version du VB-101. J’avais trouvé la bête (le VB-101) un poil étrange, mais le bonhomme m’avait plu comme ça à la première impression. A la tête de Two Notes il a fait beaucoup de chemin depuis.

Peux-tu nous raconter comment tu as atterri dans le music business ?

J’ai fait des études d’électronique et je me destinais plutôt à la recherche mais, avant cela, vers 14 ans, j’ai eu accès à un studio d’enregistrement (début des années 90), et j’ai chopé le virus. A l’époque, j’étais fan de Jean-Michel Jarre, je voulais faire du synthé, sauf qu’au conservatoire le plus proche de mon coin, c’était soit piano, soit orgue. J’ai choisi orgue parce que piano, il y avait trop de monde et ça m’a donné accès aux synthés et au home-studio. Parallèlement, je faisais de la musique concrète, de la musique électroacoustique, très bruitiste, je faisais des montages multidiffusion et voilà, à 14 balais j’avais accès à du matos de ouf, des auditoriums de rêve…

Du coup, tu aurais pu finir à l’Ircam non ?

Ca aurait pu arriver, mais bien que fasciné par ce monde, par les ingés sons etc. j’ai fait des choix plus classiques dans mes études comme beaucoup de gens et je suis allé jusqu’au doctorat. Cela étant, à 18 ans, je me suis mis à la guitare, et j’ai trouvé ça plus cool que l’orgue. J’ai monté mes premiers groupes et, très rapidement, on a pris le pli de s’enregistrer en home studio, sur les premiers ordis capables de faire du multitrack à l’époque. Tout mon pognon passait là-dedans. Paradoxalement d’ailleurs, je mettais plus d’argent dans le home studio et dans les effets que dans les guitares, j’ai toujours eu des instruments assez modestes.

Ok mais quand as-tu vraiment franchi le pas ?

Après mon doctorat : je pouvais poursuivre une carrière universitaire, mais j’avais quelques idées de produits déjà, donc j’hésitais. Puis, j’ai été démarché par une boîte, Sélectron qui cherchait un directeur technique et m’avait repéré durant ma thèse. Ca ne s’est pas concrétisé mais ils m’ont beaucoup aidé en mettant des locaux et des moyens techniques à ma disposition ce qui m’a permis de démarrer. Ils m’ont vraiment mis le pied à l’étrier pour créer Orosys.

C’est quoi Orosys, la maison mère de Two Notes ?

Oui, notre activité principale c’est Two Notes à 90%, les 10% restant c’est un travail de bureau d’étude, de consultant pour d’autres boîtes. L’audio c’est très transversal, c’est du numérique et de l’analogique, des signaux mixtes ; ça nous donne une expertise que tout le monde n’a pas. Et pour nous, c’est bien de sortir un peu de nos sentiers habituels, intellectuellement rafraîchissant.

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Two Notes Audio Engineering Torpedo VB-101

Le premier produit Two Notes ce fut le Torpedo VB-101 si je me souviens bien.

Oui en 2009, on s’est rencontré toi et moi en 2008 au salon de la musique de Paris où je présentais le prototype. Donc on est parti du VB-101 qui était certes un produit guitare mais avec un cahier des charges de convertisseur haut de gamme, orienté guitare, mais avec une dynamique de malade et des perfs studio pro. Nous y restons très attachés parce qu’il ne faut pas que l’appareil numérique deviennent le goulet d’étranglement dans la chaîne du guitariste. Si on imagine que la guitare est une voiture, nous on est un tunnel, donc on veut que la voiture soit à l’aise dans ce tunnel, qu’elle ne se sente pas coincée.

Vous avez cette image auprès des guitaristes d’ailleurs, de perfectionnistes et de produits de qualité.

Oui, oui je le revendique complètement, je suis perfectionniste, même parfois casse-couilles. J’aime les choses précises, j’aime quand ça sonne. Et on garde cette approche sur tous les produits qu’on conçoit.

En parallèle, pour moi qui suis plus old school, un autre aspect frappant c’est ce va-et-vient, cette interaction complète entre software et hardware.

Il faut savoir que le moteur du Torpedo c’est du logiciel. Il m’a très vite semblé évident qu’il fallait l’adapter aux différentes situations : tu es sur scène, t’as envie de tourner maximum trois boutons pour obtenir ce que tu veux ; tu es en studio, bien calé dans ton fauteuil, le Torpedo racké dans un meuble, tu veux pouvoir rentrer dedans depuis ton écran d’ordinateur et piloter tout ça peinard à la souris. On réfléchit énormément à l’ergonomie, parce que c’est ça qui fait qu’un utilisateur va se dégoûter rapidement ou au contraire avoir envie de poursuivre et s’amuser avec ton produit.

Oui parce quelque part, aux commandes d’un Torpedo, le guitariste ou le bassiste se retrouve un peu à la place d’un ingé son…

Oui, alors de plus en plus, on a des musiciens qui sont d’emblée très à l’aise avec tout ça, en particulier dans le milieu pro et chez les plus jeunes. Mais on a aussi toute une gamme d’utilisateurs qui n’ont pas forcément envie de s’embêter avec des menus, un ordi etc. Donc notre travail c’est de leur simplifier la vie sans sacrifier la puissance de l’engin. Un peu comme ces bagnoles puissantes qui sont bardées d’électroniques parce que tous ceux qui ont les moyens d’acheter une Ferrari ne sont pas des Schumacher. On essaie de faire un produit puissant qui ne mette pas l’utilisateur en difficulté.

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Le fameux mode Arcade

Ca se traduit comment concrètement ?

Tu as du remarquer la borne de jeu qui est sur le stand… Elle illustre un concept que nous avons emprunté aux jeux vidéos. Quand tu joues par exemple à un jeu de course de voiture, tu as souvent le choix entre une mode « arcade » et un mode « simulation ». Dans le premier, tu peux taper dans les arbres, dans les autres voitures et quand même gagner la course à la fin. Quand tu maîtrises un peu plus, tu passes en mode simulation et là t’as intérêt à savoir contrebraquer si tu ne veux pas sortir de la route et au premier arbre que tu tapes, ta voiture s’arrête et tu perds la course. Le jeu a donc un versant purement ludique et un autre pour les passionnés.

Ok, du coup chez Two Notes vous aviez déjà le mode passionnés…

Voilà, donc l’idée c’est de permettre aux guitaristes et aux bassistes moins pointus dans l’utilisation de machines numériques d’arriver aux mêmes résultats avec des menus et des options qui leur parlent plus. On propose donc une mise à jour pour le C.A.B. et le Live qui sont nos produits stars, avec un mode Arcade. Dans les presets « Arcade », au moment de choisir ton enceinte et ton micro, tu vas avoir le choix entre plus chaud, plus froid, plus moderne, plus vintage, plus brillant, plus sobre etc..

Et derrière ce vocabulaire plus facile à appréhender on retrouve les mêmes paramètres ?

Oui et d’ailleurs tu peux très bien sauvegarder ton preset « Arcade » dans la partie normale et avoir accès aux paramètres de manière plus détaillée aussi. Ce sont vraiment les mêmes traitements en arrière-plan. Et même quand tu t’y connais, ce mode Arcade peut être un moyen de tomber sur des configs micro/baffle/ampli de puissance vers lesquels tu ne te serais pas tourné a priori mais qui fonctionne dans ton mix.

Ce mode Arcade on va le trouver aussi en version soft dans votre plugin WOS III par exemple ?

Aujourd’hui, on le met déjà sur le C.A.B. et le Live parce qu’on se dit que ce sont les utilisateurs de ces appareils qui sont le plus susceptibles d’être demandeurs, que les utilisateurs du plugin WOS sont un peu plus pointus, mais on va tout de même le leur proposer par la suite, parce que je suis persuadé qu’une ergonomie bien pensée peut t’amener des utilisateurs séduits par la simplicité, l’élégance de ton ergonomie. C’est le cas de pas mal d’utilisateurs des produits Apple je pense.

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J’ai entendu parler de pièces aussi…

Oui lorsqu’on a mis au point les simulations on l’a fait dans un esprit studio, donc nos simulations sont assez « brut de fonderie », histoire d’être faciles à traiter dans un mix. Et on s’est rendu compte que pas mal de gens se servaient juste de nos machines avec une sortie casque pour jouer sans bruit. Du coup, on propose maintenant des pièces, des espaces. Pour l’instant, on en a 8 qui vont de la cathédrale au studio d’enregistrement et vont être dispo en mode Arcade comme en mode Simulation.

On entend souvent dire que le numérique c’est bien pour les sons clean, pour les sons bien metal mais que pour tout ce qu’il y a entre c’est décevant.

Alors d’abord il faut savoir de quoi on parle quand on dit numérique. Si on parle de modélisation, ce qui pêche ce n’est pas tant le moteur en général que le design électronique. Disons que la généralisation de la modélisation en guitare se fait d’abord par l’entrée de gamme et les débutants d’aujourd’hui sont de gros veinards d’avoir de tels outils. Mais quand tu fais de l’entrée de gamme, tu es obligé de faire des concessions au niveau de l’électronique. Nous on n’a pas eu envie de faire ça et c’est là qu’on fait la différence. La qualité de nos composants (les convertisseurs par ex.) permet à nos machines de retranscrire confortablement cette dynamique, ce headroom dont tu as besoin pour les sons crunchs et crunchs poussés puisque c’est de ça qu’on parle.

Justement, aujourd’hui vous prenez un tournant étonnant. Jusqu’à présent vos produits étaient tous made in France, c’était même un peu revendiqué chez vous et là tout d’un coup vous sortez quatre pédales de preamp conçues par vous mais fabriquées… en Chine…

Personnellement je n’ai jamais voulu faire des produits élitistes. Il se trouve que, entre autres à cause de l’exigence dont on parlait tout à l’heure, nos produits sont un peu perçus comme ça. Et puis j’avais envie aussi de proposer ma vision du preamp guitare (et basse), mais avec un produit pas trop cher. Mais attention, pas question de faire un produit cheap, ce sont de vrais produits Two Notes. Donc pour avoir des produits de qualité à prix compétitif nous nous sommes adressés à la Chine, d’autant que je suis bien obligé de reconnaître, malheureusement et sans envie de polémiquer, que j’aurais bien du mal à obtenir la même qualité en termes de peinture et de finitions ici en France.

Tu n’envisages pas éventuellement de fabriquer disons le C.A.B. en Chine du coup ?

Les Torpedo restent en France, mais effectivement pour le C.A.B. il est possible qu’on le fasse en Chine un jour pour le rendre plus accessible financièrement.

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Vous sortez quatre préamplis peux-tu nous les décrire ?

Ce sont des preamp qu’on a voulu assez typés. Tu noteras déjà la french touch dans les noms : Le Lead, Le Clean, Le Crunch. On a trois préamplis guitare avec des couleurs bien spécifiques et des fonctions communes, deux canaux. Ce sont des produits autonomes mais on les livrera aussi avec le plug-in donc ils pourront fonctionner seuls, mais ce sont aussi des partenaires naturels pour le C.A.B vu qu’il ne se passait pas un jour sans qu’on ait cette requête de la part de nos utilisateurs.
Le premier canal, A, est toujours un canal clair, sur le Clean il reste Clean jusqu’au bout, sur le Crunch tu as cette légère sature en fin de course du gain et pareil sur le Lead mais avec un voicing complètement différent, une EQ basses/aigus et placée avant le gain pour un résultat plus « vintage ». Sur le deuxième canal, B, tu as toujours plus de gain : sur le Clean tu peux te faire deux sons clairs ou alors A/Clean et B/Crunch, sur le Crunch tu peux avoir éventuellement deux crunchs avec le B plus poussé, sur le Lead soit A/Clair et B/overdrive, soit A/Crunch et B/Overdrive, sachant que sur le canal B tu as toujours un paramétrique sur les mids qui te permet d’affiner ton son.
Mais ce n’est pas tout, tu peux appuyer sur les deux switches, A et B, en même temps et là tu entres dans le mode fusion, tu as les deux canaux en même temps. En fusion froide tu auras les deux canaux en parallèle, tu peux donc mélanger du son clair avec du gros saturax ou alors mélanger deux crunchs. En fusion chaude les deux canaux sont en série et on peut se servir du canal A pour booster le canal B, un boost avec EQ, donc c’est vraiment très intéressant. Pour les amateurs de MIDI il faut savoir que les preamps peuvent piloter le C.A.B pour, par exemple changer la simulation de baffle en même temps qu’on change de canal. Et si tu chaînes deux de nos préamplis, ils interagissent aussi en MIDI donc tu peux très bien te faire une config 4 canaux plus les modes Fusion qui, en plus, pilotent les simulations dans le C.A.B.

Je vois qu’il y a une sortie DI et une sortie Phones, elles ont une simulation ?

Oui c’est une simulation analogique rien à voir avec le Torpedo question qualité mais ça fait la farce. Il y aussi une boucle d’effets série sur chaque pédale, et une sortie Aux pour ceux qui veulent se faire des config Dry/Wet. Malgré tout, on a tenté de rester simple pour ne pas faire peur aux guitaristes les plus « techno-réfractaires ».

La lampe alors ?

On utilise des 12AX7 de chez Ruby qui ont je crois le taux de pannes le plus faible du marché avec un assez gros catalogue de lampes. Évidemment pas question de mettre des lampes trop exotiques ou trop rares si on veut garder un niveau de qualité constant et être sûr de pouvoir toujours en trouver. Donc on a opté pour cette lampe que Randall utilise aussi d’ailleurs. Après si tu veux, tu peux ouvrir la pédale…

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L’avenir de Two Notes ?

Disons que ces préamplis c’était un peu ma marotte depuis un moment, parce que c’est complémentaire des produits qu’on avait déjà. On prépare aussi des produits accessoires qui sortiront d’ici la fin de l’année. L’autre aspect de notre développement c’est notre librairie d’enceintes. Si tu as un peu suivi nos activités, tu sais qu’on a proposé notre technologie de capture d’’enceintes à des studios partout dans le monde parce qu’on s’est rendu compte après avoir capturé les 50 premières qu’on n’arriverait pas à fournir régulièrement de nouvelles captures vu le travail que cela demande surtout au niveau logistique. Dans ces studios autour du monde, on trouve toutes sortes d’enceintes, vintage ou pas, et l’idée c’était d’avoir un maximum d’enceintes à proposer dans notre boutique. Mais pas n’importe comment : il faut que le studio réponde à certaines caractéristiques, on ne prend pas tout le monde, ensuite on leur fournit notre technologie de capture, ils font la capture en 3h00 environ et ils uploadent le résultat sur nos serveurs. Tout le monde y gagne : eux, comme nous, comme l’utilisateur de Torpedo. En gros, on fonctionne un peu comme un app store, toutes proportions gardées.

Je suis témoin pour les avoir vu en magasin par exemple à LA que tes produits sont distribués internationalement, c’est venu facilement cette internationalisation ou ça a été dur ?

J’ai fait mes premiers salons avec mon VB-101 sous le bras, je n’y connaissais rien à l’époque, mais des distributeurs ont vu le potentiel qu’il y avait là. Et, dès la deuxième année notre marché principal, c’était les US. Donc les distributeurs ont joué le jeu et plutôt rapidement le « bouche à oreille » internet a fonctionné, merci internet. Tu as là tout un tas de guitaristes amateurs ou pros à la recherche de produits nouveaux ou décalés, qui se passent le mot et on a très vite eu des contacts un peu partout autour du globe. La France doit représenter notre 4e marché à l’heure actuelle.

Jusqu’à présent vous étiez vu comme des gens qui avaient créé un marché de niche, ça va changer avec ces preamps non ?

Oui pour continuer sur la question précédente, dans un deuxième temps, on a eu des distributeurs « poids lourds ». Et pour ces gens-là, ça y est, avec ce lancement, on rentre dans le vif du sujet.

Merci d’avoir pris le temps de nous répondre.

Merci à vous.
Voir le test des 3 preamps guitare

Portfolio

 

Mots-Clefs

Type d’article
Interview
Marques
Two Notes
Numéro
GX71

 

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