Tout commence avec Nicky Sixx le blafard guitariste de Motley Crüe qui ayant craqué sur une guitare en tout point semblable à celle qu’exhibe Lol tous les soirs sur Canal, la montre à Bob Rock producteur des Four Horsemen. Impressionné, celui-ci en parle aux metalliboys qui essayent l’instrument et commandent illico une "Steelcaster" et une "Steel Paul" version rouillée. Or, Cithare & Clavecins ne reculant devant rien, ce sont ces deux guitares testées et "judgées" avant leur voyage transatlantique (et donc avant même que leurs destinataires ne les aient vues !!!) que nous vous présentons aujourd’hui. Ca me fera des souvenirs pour mes vieux jours, j’pourrais frimer devant mes petits-enfants.
Laisse Le Bon Ton Rouillé
Je sais pas vous mais moi, les Trussarts, je les trouve encore plus craquantes rouillées : ça leur donne un je ne sais quoi qui cadre bien avec l’esprit artisanalo-vintage qui les caractérise ; un côté "used guitar" sans le ridicule de certaines finitions "antiques", car ici pas question de singer quoi que ce soit. Le but est plus de capturer un esprit, des sensations, que de reproduire un look donné. Comme le dit leur créateur : " Laisser un corps en métal rouiller sous la pluie, c’est un peu comme faire de la nature mon partenaire, lui laisser faire son oeuvre, toujours différente, souvent inattendue, oeuvre sur laquelle je n’ai que peu de contrôle. C’ est un plus organique, je crois que ça lui donne une âme. Et je dois ajouter que je suis très satisfait si mes instruments ont l’air d’avoir fait un aller-retour en Enfer."
Accessoirement, cela explique qu’il soit rigoureusement impossible que deux guitares rouillées soient identiques. Ce que dit James peut paraître un peu théâtral... tant qu’on n’a pas tenu une de ces Rust O’ Matic guitars dans les mains. C’est un festival de coulures brun-rouges mouchetées de noir, laissant apparaître des zones où le métal n’a pas entièrement perdu ses droits et d’autres dont le ponçage est encore bien visible. Pour moi, c’est de la chatoyance sobre (concept déposé au greffe). Et je ne vous parle même pas de la plaque qui obture la cavité électronique de la STEEL PAUL, ni de son vert-de-gris vernis... A l’heure où l’on taille les guitares en deux nanosecondes à la serpe microlaser, on est heureux de poser les mains sur une guitare qui a passé quelques temps à rouiller au fond d’un jardin. Laisse le bon temps rouiller, c’est une autre philosophie, non ?
Poursuivons avec les manches tous deux en koa, très beau bois, peu utilisé en lutherie, que James vernit dans un pur esprit mobilier des années 30. C’est à la fois sombre et dense au regard et doux, lisse au toucher. Celui de la Steelcaster arbore une touche 22 cases tandis que l’autre guitare bénéficie de 24 cases. Comme toutes les Trussarts, les deux instruments voient leurs crosses évidées afin d’y insérer une plaque métallique, avec logo sur fond grillagé, qui apporte beaucoup et à l’esthétique et, surtout, au sustain général de l’instrument. C’est d’ailleurs ce qui frappe d’emblée sur les deux guitares, la profondeur du son, les harmoniques générées et un sustain faramineux avec lequel il fait bon jouer en son saturé.
La Steelcaster reçoit en outre six mécaniques en ligne, vieillies, un guide corde sur les deux cordes aiguës (j’en aurais bien vu un pour Ré/Sol aussi), un pickguard métal avec trois rainures grillagées, deux boutons de potards, deux attaches de bandoulières XL et un chevalet traditionnel, les cordes passant à travers le corps comme il se doit. Tout cela a subi le même traitement que le reste, capot du micro grave compris ; jusqu’au capuchon plastique du sélecteur qui été vieilli, au thé ! Bien que creuse, la Steel Paul est plus lourde que la Steelcaster (normal, c’est une L... P...). Elle aussi est fidèle au mythe et se voit équipée des mêmes pièces qu’une Les Paul classique, exception faite de trois rainures dans le pickguard. Le sélecteur trois positions est particulièrement souple permettant de rapides va-et-vient. Personnellement, c’est ma préférée.
Attention : fort risque d’addiction
Les deux guitares se montrent on ne peut plus confortables avec un léger avantage à la Steelcaster en cherchant bien. L’une et l’autre sont très agréables à porter car légères, équilibrées et équipées d’attaches bien larges. Elles vibrent bien contre le ventre, sonnent pleinement, à la fois gras (foie gras ?) et tendu, rond et claquant, chaud et précis. Au delà de ces caractéristiques communes dues à la lutherie elle-même, elles affirment leurs différences par leur micros, bobinés comme il se doit par Tom Holmes. La Steelcaster, équipée de deux simples, est une merveille en son clair et crunch dans lesquels sa profondeur et sa rondeur donnent des graves pleins et présents rehaussés par des aigus et des attaques précis et ciselés. Le corps métallique creux génère des harmoniques spécifiques et les entrailles de l’instrument font de rapides incursions dans la texture du son à la manière d’une coque de navire. C’est moins flagrant que sur la Steelcrow testée récemment où le résonateur et le chevalet piézo permettaient de ramener ces bruits intérieurs sur le devant de la scène, mais on les devine en arrière-plan. Le sustain est tout bonnement incroyable et devient rapidement partie intégrante du jeu. En son saturé le micro grave et la position intermédiaire tirent bien leur épingle du jeu dans un registre graillonnant et délité, tandis que l’aigu devient franchement méchant. J’connais un James et un Kirk qui vont pas s’emm...
Les deux doubles de la Steel Paul m’ont enchanté. En son clair d’abord, où leurs qualités se voient magnifiées par l’apport du corps métal qui rend les sons plus doux, avec des attaques un poil plus soft et produit quelque chose qui pourrait faire penser à une légère reverb naturelle (même si reverb n’est pas le mot exact) sans préjudice quant à la clarté du jeu. Les sons crunchs sont à tomber par terre, tant ils allient authenticité et singularité. Vous pouvez jouer des rythmiques à la Allman, Stones ou Aerosmith première période avec un son à s’y méprendre et dans le même temps, vous sentez un truc en plus, comme des réminiscences de Dobro, encore que cette description soit un peu siimpliste. En saturé, elle a un coeur énorme et il faut juste prendre garde à ne pas être trop près de l’ampli si l’on joue fort (corps creux...). J’ai enchaîné quelques riffs du grand Rob Zombie, elle fait ça très bien. Idéale pour se taper un p’tit Devil’s Dance. Notons encore que les deux guitares possèdent de très belles positions intermédiaires. Le pire c’est qu’une fois qu’on a goûté à ces guitares, ben on en reprendrait bien encore un peu, pis un peu, et pis allez encore un peu et pis... c’est le moment de les rendre ; dur, dur...
James Trussart, plus que jamais "Homme De Fer", trace son sillon et en sort des instruments de haute tenue qui vous font tout à la fois l’effet de la madeleine de Proust et celui de la Quatrième Dimension. Très fort !
PS : James, tu verras, j’ai gravé mon n° de téléphone pour James Hettfield au dos d’une des grattes, avec mon Opinel. Tu m’en veux pas dis ?